NORD KIVU – REPONSE JUDICIAIRE AUX CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL : Les communautés de Miriki pansée mais insatisfaite.

C’était le 30 Septembre 2020 que l’ex Cour Militaire Opérationnelle du Nord-Kivu avait rendu son verdict dans le procès dit « MIRIKI »
17 prévenus avaient été reconnus coupables et condamnés à des fortes peines de prison pour crimes de guerre par meurtre, tentative de meurtre, destruction par incendie et pour participation à un mouvement insurrectionnel commis dans la localité de Miriki et dans le village de Vuvotsio au Sud du territoire de Lubero au Nord-Kivu entre Janvier et Février 2016.
C’est dans un contexte de tensions communautaires entre HUTU et NANDE que ces exactions avaient été commises.
Une année après le procès, les plaies semblent pansées mais pour la population locale, les nombreuses questions sont restées sans réponses jusqu’à présent.
Une cohabitation stéréotypée mais existante.
Pour la société civile de Miriki, le procès a aidé à lever un certain voile sur la coexistence entre les Hutus et les Nandes dans la région, même si la méfiance ne peut jamais être dissipée totalement.
« Pour le moment nous vivons bien. Les Nandes et les Hutus se côtoient pacifiquement à Miriki. C’est vrai qu’ici il n’ya pas trop de Hutus car il ya seulement 5 familles mais tous les jours on se croise au marché de Miriki qu’ils fréquentent car ils vivent à Kanune à au moins 12kms », nous dit Mr Alphonse NZEHA, président de la société civile de Miriki.
Cette structure citoyenne reconnait l’apport du procès tenu il y a un an pour la pacification de la région. Le gouvernement congolais et plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi apporté leur soutien afin que les communautés locales arrivent à se côtoyer pacifiquement.
« Nous avions très bien accueilli ce procès car la population a souffert ici des plusieurs affres. Ça a été pour nous un déclic car depuis lors, nous organisons, en partenariat avec le gouvernement et certains ONGs, des sensibilisations pour montrer combien une faute individuelle ne peut pas incomber à toute une communauté. Si une personne a commis un acte infractionnel, elle doit être identifiée nommément afin qu’elle réponde seule de ses actes devant la Justice, et non toute sa communauté » renchérit Mr Alphonse NZEHA.
Cet animateur de la société civile de Miriki se réjouit des résultats positifs obtenus depuis que le gouvernement et les ONGs les accompagnent dans différentes activités de sensibilisation à la cohabitation pacifique.
« Aujourd’hui nous sommes satisfaits de voir les Nandes et les Hutus assis côte-à-côte lors de la distribution de certaines aides qui arrivent ici. Tous reçoivent à parts égales et aucune communauté ne se plaint actuellement. C’est le fruit de ces efforts menés conjointement avec le gouvernement congolais et les ONGs dans la sensibilisation à la résolution pacifique des conflits. »
Un verre à moitié vide et à moitié plein.
Pour le Cercle de Jeunes pour la Promotion Socio-économique (CJPS), une structure citoyenne œuvrant dans le secteur de la protection de l’enfant et la consolidation de la paix dans le territoire de Lubero, le procès dit Miriki qui s’est tenu à Goma, n’a pas aidé à faire toute la lumière sur les maux qui ont conduit à la situation macabre de Janvier et Février 2016 à Miriki, Vuvotsio et plus loin à Buleusa en Décembre 2015 (à cheval entre Lubero et Walikale).
« C’est vrai qu’il ya eu procès mais à combien de kilomètres de là où les crimes avaient été commis ? », s’interroge Mr Gentil KOMBI, président du CJPS.
Pour lui, il y avait mieux à faire pour que ce procès rencontre totalement les attentes de la population.
« Il aurait fallu que ce procès ait lieu à Miriki ou dans une localité de Lubero et non à Goma à plus de 150Km où la population ne pouvait pas se rendre et n’était pas informée du début. Je viens de parler avec un chef local de Mulinde et un autre de Mwaranda (Miriki), j’ai constaté que les souvenirs de ces affres sont encore frais en eux. La population n’a pas encore oublié », ajoute le président du CJPS.
Le Cercle de Jeunes pour la Promotion Socio-économique (CJPS) croit que la bonne approche est celle de tenir le procès près de victimes pour que certaines plaies soient pansées et/ou guéries.
« Dans ce genre de circonstance, il faut approcher la Justice de justiciables. Si ce procès s’était tenu à Miriki ou à Lubero, ça allait envoyer un signal très fort aux bourreaux de guerre en les voyant à la barre face aux victimes. C’est une leçon psychologique à l’endroit de ceux qui commettent ou voudront commettre des exactions ici ou ailleurs. C’est aussi un moyen d’apaiser la douleur des victimes », observe Mr Gentil KOMBI.
Au lancement du procès à Goma en Juin 2020, Avocats Sans Frontières, l’une des organisations qui avaient soutenu le procès, avait fait part des raisons sécuritaires précaires dans la région de Miriki, pour justifier la tenue de ce procès à Goma. Néanmoins, certaines de 160 personnes constituées parties civiles au procès et y avaient pris part.
Article rédigé avec le soutien et l’appui financier de RCN Justice & Démocratie.
Par MAOMBI MUTUNZI Samuel Arcadius.