SUD-KIVU WALUNGU: LE PROCES MAHESHE, UN ESPOIR POUR LES VICTIMES.


« Les gens ont perdu des êtres chers lors de l’incursion des miliciens Raia Mutomboki-MAHESHE dans beaucoup de villages à Mulamba
en territoire de Walungu. L’axe Kanyola-Sud dont Nzibira, Kanyola, Mulamba, etc. a été le terrain où MAHESHE et ses hommes ont opéré en y causant la désolation au sein de la population …», témoigne Mr Emmanuel BALOLAGE, président de la société civile du territoire de Walungu.
Elles sont plusieurs victimes de diverses incursions et exactions commises par les miliciens du groupe Raiya Mutomboki MAHESHE, dans les villages Nzibira, Kabogoza, Kashebeye, Ngando, Luntukulu, Chinda, Luhago, Karembu, Shenga,Chishembe, Bushushu, etc. dans le groupement Mulamba en territoire de Walungu, province du Sud-Kivu.
Au cours de ces incursions, plusieurs personnes avaient été tuées par balles et par armes blanches, plusieurs allégations de viols sur une dizaine de femmes adultes ainsi que des cas de traitement inhumain et tortures enregistrés entre Avril et Mai 2019 ; rapporte le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH) après sa mission sur terrain entre Octobre et Novembre 2019. C’est dans cet optique que la justice militaire congolaise a été saisie depuis 2020 afin d’écouter les victimes et d’établir les responsabilités.
L’auditorat militaire de garnison de Bukavu n’est pas parvenu à mener convenablement les enquêtes, car heurté à la présence de certains éléments du groupe armé Raia Mutomboki–MAHESHE, qui s’étaient déjà rendus et réintégrés à la vie civile dans les communautés locales. Les acteurs réunis au sein de la Task Force Justice Pénale Internationale au Sud Kivu, ont pu mener une mission d’évaluation en Mars 2021 dans le groupement Mulamba, afin de connaitre la position des victimes quant à la poursuite des enquêtes en vue d’un éventuel procès. Disposés à témoigner
pour établir les responsabilités, les victimes ont
SUD-KIVU-WALUNGU: LE PROCES MAHESHE, UN ESPOIR POUR LES
VICTIMES.
Elles ont émis le vœu de voir des enquêtes se poursuivent. L’annonce de la reprise des enquêtes, a suscité un enthousiasme au sein de la société civile de Walungu qui pense que les victimes le méritent : « …tout celui qui a commis des actes répréhensibles par la loi, doit répondre de ces actes devant la justice car c’est ça la logique… », dit Emmanuel BALOLAGE qui veut que par un procès le gouvernement congolais rassure qu’il a la responsabilité de garantir protection aux populations civiles :
« … les commanditaires ainsi que les exécutants des abus doivent être poursuivis en justice s’ils sont bien documentés, pour que le gouvernement prouve aux victimes qu’il ne les abandonne pas. Cela leur fera beaucoup de biens… »
La société civile de Walungu déplore l’impunité qui se caractérise dans son milieu où plusieurs abus sexuels et autres violations des droits humains sont commis. Pour elle, la tenue d’un procès afin de sanctionner les coupables est le grand moyen de combattre cette situation.
Les parties civiles espèrent que ces enquêtes aboutiront à un procès qui servira d’exemple à tous. Maitre Luc MUHANZI, l’un des avocats des victimes dit avoir la ferme conviction que les bourreaux répondront de leurs actes devant la justice : « Nous allons nous battre pour que la responsabilité des éventuels prévenus auteurs des crimes de Mulamba soient condamnés et que les dédommagements en faveur des victimes soient obtenus car il y a eu viols, meurtres, tortures, pillages… ».
Malgré la présence de certains combattants du groupe armé Raiya Mutomboki–MAHESHE qui ont été démobilisés et qui vivent dans les communautés locales de Mulamba, les parties civiles pensent que cela ne les exempte en rien de répondre devant la Justice s’ils sont reconnus suspects : « …nous savons qu’il y a des rendus de Raia Mutomboki qui sont dans la communauté, mais les faits sont réels parmi les victimes et cela ne change en rien lesresponsabilités… le fait de revenir à la vie civile n’efface pas les faits commis dans un groupe armé une fois établis car nul n’est au-dessus de la loi. »
Plusieurs fois, les éléments des groupes armés ayant commis des exactions sont condamnés par la Justice mais leurs chefs sont souvent hors portée de celle-ci.
Cette situation ne décourage pas pour autant les avocats des parties civiles qui assurent l’accompagnement judiciaire des victimes afin d’obtenir justice : « Ce n’est pas parce que lorsqu’on n’est pas appréhendé que l’on ne répondra jamais de ses actes… les faits ne sont pas jusque-là prescrits mais le moment venu, même les seigneurs de guerre seront pris par la Justice et les condamner même en leurs absences. »,renchérit l’un d’eux, Me Luc LUHANZI.
La tenue d’un procès sera un moyen de rendre hommage à ceux-là qui ont été massacrés et de soulager les victimes de ces exactions, argue cet avocat qui fait partie de la mission d’enquête à Mulamba. Il révèle que plusieurs enfants ont été enrôlés de force dans le groupe armé Raia Mutomboki – MAHESHE et qu’il était nécessaire de les entendre avant la tenue des audiences proprement-dites : « …ces enfants ont vécu des situations qui pourront aider dans la constitution de faits afin d’établir les éventuelles responsabilités… Malgré que le gouvernement congolais n’ait pas réservé des fonds au profit des victimes, il y a plusieurs formes de dédommagements comme par l’exemple le seul fait de voir son bourreau condamné par la justice. La présence des bourreaux dans le procès soulage l’esprit et aide à prévenir de tels faits dans la société à l’avenir. »
Notons qu’une mission complémentaire, soutenue par des acteurs internationaux de la Task Force Justice Pénale internationale au Sud Kivu, est conduite depuis ce mois de février 2022 dans ce territoire du Sud-Kivu afin de recueillir les dépositions des victimes.
Article rédigé avec l’appui et le soutien financier de RCN Justice & Démocratie (RCN J&D).
Par Samuel MAOMBI.