REPORTER 7

LUTTE CONTRE L’IMPUNITE : «POURQUOI JE DÉFENDS UN CLIENT QUI EST DÉJÀ CONDAMNÉ PAR LA CLAMEUR PUBLIQUE» ; CAS DE L’AFFAIRE MIRIKI (Récit d’un avocat).

LUTTE CONTRE L’IMPUNITE : «POURQUOI JE DÉFENDS UN CLIENT  QUI EST DÉJÀ CONDAMNÉ PAR LA CLAMEUR PUBLIQUE» ; CAS DE  L’AFFAIRE MIRIKI (Récit d’un avocat).

Après près de deux décennies des troubles, des guerres dans les provincesde l’Est avec comme corollaires les violations des droits de l’homme, la
commission des crimes de guerre et crimes contre l’humanité par les parties en conflits dans cette partie du pays.
Face à cette situation, le pays s’est engagé dans un processus de lutte contre l’impunité de certains crimes graves avec des résultats enregistrés
dont notamment un grand nombre de procès qui ont abouti à des condamnations des bourreaux. Avec en avant plan la justice militaire qui
ne ménage aucun effort pour poursuivre les présumés auteurs de crimes graves dans la province; ces résultats majeurs sont aussi l’effet d’un accompagnement judiciaire effectif des avocats aux victimes comme aux présumés auteurs garantissant un procès équitable.


Si pour les parties civiles cet accompagnement judiciaire paraît tout à fait normal et salutaire au regard ce qu’elles ont subies ; cela n’est pas toujours vu du bon œil, lorsqu’il s’agit des auteurs présumés de meurtre, pillages, kidnappings… pour la plupart déjà condamnés par la clameur publique,
sans tenir compte du principe de la présomption d’innocence. Cet état de chose met toujours en mal le travail de l’avocat de la défense
qui pourtant accomplit son travail conformément à la loi, qui reconnait à toute personne le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister
d’un conseil de son choix à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête et l’instruction policière.

C’est dans cette optique que nous avons réalisé une interview exclusive
avec Me Justin NGANDU, avocat près la cour d’appel de Bukavu et l’un des avocats du Pool Justice Pénale Internationale/Nord Kivu. Il fut aussi responsable du collectif des avocats de la partie défenderesse dans le procès MIRIKI et avocat défendeur dans l’affaire SHEKA ; deux dossiers des ex-chefs rebelles très actifs, condamnés par l’ex Cour Militaire Opérationnelle du Nord Kivu à la prison à vie pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
C’est à cœur ouvert qu’il nous livre cet entretien pour circonscrire son accompagnement judiciaire à des clients déjà condamnés par la clameur
publique.

Valéry Mukosasenge : Bonjour Maître Justin NGANDU !

Me. Justin NGANDU : Bonjour Monsieur le journaliste,
V.M : C’est quoi la motivation d’un avocat à défendre un client quiest d’avance condamné par la clameur publique ?
Me. Justin NGANDU : C’est une question complexe mais personnellement ma motivation trouve sa raison d’abord de par l’expérience car il faut
toujours faire la part des choses entre être avocat et avoir l’expérience professionnelle pour le traitement des grands dossiers. C’est une expérience de plus dans ma carrière comme avocat qui traite les dossiers de grande envergure. Ces procès me donnent un carnet d’adresse
riche. Voilà ce qui m’avait motivé à défendre mes clients dans l’affaire
MIRIKI.

V.M : Quel est le comportement qui vous caractérise à l’étape pré- juridictionnelle, juridictionnelle et post-juridictionnelle ?


Merci. Mon attitude dans un tel procès m’oblige d’être concentré et surtout rassurer mes clients à chaque étape du procès.
En phase pré-juridictionnelle, nous préparons le prévenu pour les auditions ; l’écouter, lui présenter les faits qui lui sont reprochés et quelles
sanctions ils encourent afin de l’emmener à collaborer pour un meilleuraccompagnement.
Avant d’aller à l’étape juridictionnelle l’avocat doit se rassurer qu’il est à la hauteur du procès avec tout ce qu’il a comme documentation entre autre –
faire l’étude du dossier – confronter les pièces à conviction avec le prévenu pour voir s’il y a une voie de sortie pour gagner où amoindrir la peine, – se rassurer si son état de santé, surtout mental le permet. Lorsque l’avocat se rassure que tous ces éléments sont réunis, il aborde le dossier.

Dans cette phase, après avoir confronté les pièces et moyens, après avoir soutenu la défense de nos clients, plaider et faire comparaître les témoins,
le dossier est pris en délibéré. Une chose est vraie dans l’exercice de notre métier et surtout devant ce cas précis , l’avocat avant de faire la plaidoirie
pour que le dossier soit prononcé, il dit la vérité à son client comme obligation morale, sur la sentence qui sera prononcée; Nous avons moins
de chance que tu sois acquitté au vue de tels éléments , voici les pièces à conviction qui vous accable, voici les dépositions des témoins à charge, bref voici les éléments qui nous mets en difficulté mais de notre côté nous allons plaider la réduction de votre peine par des circonstances atténuantes et là lorsque la personne sera condamnée, elle sera consciente car préparée
d’avance psychologiquement.

Mais pour la personne qui sera acquittée au vu des éléments de son dossier,c’est un conseil pour que, une fois rétablie dans la société, qu’elle devienne un modèle et un sensibilisateur auprès de sa communauté afin que les cas similaires ne puissent plus se reproduire car connaissant déjà tout le processus d’un procès et ses méandres.

V.M : Pour finir, qu’est ce qui reste comme relation après le prononcé du verdict entre vous et vos anciens clients (condamnés comme acquittés)

Me. J.N : Nous entretenons des très bonnes relations tant pour les acquittés
que pour les condamnés. Ce qui dérange dans la phase post-juridictionnelle est que pour les personnes acquittées, il n’existe pas de suivi pour leur intégration dans la société, ils vivent une psychose traumatique vis-à-vis de la communauté qui les marginalise, ils ont difficile à se faire accepter dans la société.
Ma suggestion devant cette situation est de demander au gouvernement congolais et les partenaires de développer des programmes de réinsertion dans la communauté après un acquittement.
Assurer un procès est une nécessité mais l’après procès est un besoin capital. Bref, si les partenaires du gouvernement congolais planifient
seulement les étapes pré-juridictionnelle et Juridictionnelle, ils doivent comprendre que le grand défi de ce dernier temps est le post-
juridictionnelle donc songer à l’après procès.
Article rédigé avec l’appui et le soutien financier de RCN J&D.
Par Valéry Mukosasenge

Rédaction -

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