NORD KIVU : VERDICT IMMINENT DANS L’AFFAIRE SHEKA ET AUTRES : RETOUR SUR UN PROCES FLEUVE, A MULTIPLES ENJEUX. Plus de 4 années de terreur de la milice Nduma Defense of Congo dans le territoire de Walikale, 4 accusés (ex miliciens) seulement à la barre, 337 parties civiles à la procédure victimes des atrocités, plus de 80 audiences en presque 23 mois ; le procès Sheka aura pris tout son temps, et l’heure est à l’attente du verdict pour Ntabo Ntaberi alias Sheka et ses 3 coaccusés.


Que retenir de ce procès ? Ouvert le 27 Novembre 2018 à la Cour Militaire Opérationnelle du Nord Kivu, le procès mettant en cause l’Auditeur Militaire Supérieur près la Cour sus évoquée (Ministère Public) et les parties civiles contre les prévenus Ntabo Ntaberi, Nzitonda Habimana Séraphin alias Lionceau, Ndoole Batechi Jean et Lukambo Jean Claude ; la partie civilement responsable (l’Etat Congolais) n’a fait que trop durer. Puissant commandant du groupe armé Maï Maï Sheka (MMS) et Nduma Defense of Congo (NDC), deux groupes armés très actifs et semant la terreur dans plusieurs localités du territoire de Walikale, Masisi et Sud Lubero ; la tâche n’a pas été facile pour la justice militaire !
Poursuivis pour crime contre l’humanité et crime de guerre par : meurtre, assassinat, viol, actes analogues, vol avec violence, mutilation des cadavres, création et organisation d’un mouvement insurrectionnel, association des malfaiteurs, terrorisme, enrôlement d’enfants. Sheka et ses hommes se seraient rendus coupables de ses atrocités entre 2010 et 2014 notamment dans les localités de Mubi, Njigala, Pinga, Bunyampuli
De 2010 à 2014, la milice Nduma Defense of Congo dirigée par Sheka a mené des opérations, parfois seule ou en coalition, avec une unité du groupe armé des Forces Démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dirigée par Lionceau et s’est attaquée à la population civile, causant le décès de centaines de personnes, des déplacements massifs, des actes de violences sexuelles et autres atrocités. Alors qu’il était sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis 2011, Sheka se rendra le 26 juillet 2017 aux autorités de la MONUSCO, lesquelles le livreront aux autorités congolaises le 04/08/2017 à Kinshasa. Le 13/11/2018, il sera transféré à la prison centrale de Goma où il est détenu depuis, alors que l’ouverture de son procès est prévue le 27/11/2018.
Déterminée à faire la lumière sur le rôle de Sheka et ses coaccusés dans les attaques de population civile à Walikale, la Cour Militaire Opérationnelle du Nord Kivu a pourtant été freinée dans son élan de travail pendant plusieurs mois en raison de la pandémie de Covid-19. Du 03 au 19 Août 2020, les audiences se sont néanmoins poursuivies, avec la tenue des plaidoiries des différentes parties ainsi que le réquisitoire du Ministère public, avant que la Cour ne prenne l’affaire en délibéré.
Un procès à plusieurs enjeux.
Après des débuts prometteurs, la procédure judiciaire a malheureusement semblé s’enliser. Sheka et ses co-prévenus multiplièrent des stratégies dilatoires pour que la procédure s’éternise : refus de comparaître au motif que sa protection n’était pas assurée de manière adéquate, absence des conseils de l’accusé à certaines audiences et refus d’être assisté par d’autres avocats commis d’office, requêtes en cascade et incidents au cours des audiences, demande de déplacer la Cour à Walikale, son fief. Toutes ces manœuvres, montées les unes après les autres, n’auront pas emporté la détermination de la justice militaire dans la lutte contre l’impunité des crimes de masse ; et comme le dit un adage malgré la longueur de la nuit, le jour finira par apparaître !
Alors que tous s’attendaient à un procès pédagogique, avec des audiences foraines sur les lieux de commission des faits, la situation sécuritaire ne l’aura pas permis car la milice de Sheka est encore opérationnelle à Walikale et les victimes et témoins à charge ont reçu des menaces.
Au cours de l’audience du 30/01/2019, le prévenu et chef rebelle a affirmé à la Cour militaire opérationnelle avoir reçu le soutien de quelques membres du gouvernement et des FARDC. Ce qui rejoint les constats dressés par le rapport du Groupe d’Etude sur le Congo de l’Université de New York (GEC) intitulé « Pour l’armée, avec l’armée, comme l’armée » de mai 2020 qui dénonce l’ancien gouverneur du Nord Kivu (actuellement ministre de l’industrie) comme l’une des personnes ayant apporté son appui à ce groupe armé.
Pour l’ONG TRIAL International :
« Cette affaire est l’une des plus emblématiques et complexes que les juridictions du Nord Kivu aient eu à traiter depuis longtemps. D’une part en raison du risque sécuritaire élevé : l’emprise de Sheka sur les territoires de Walikale et de Masisi, où vivent encore nombre de ses victimes, est bien réelle. D’autre part, l’ampleur des crimes allégués est immense : près de 300 victimes ont été entendues en amont du procès, et une part bien plus importante de la population a souffert des affrontements dans la région » (site internet TRIAL International).
Plusieurs autres organisations internationales ont mené au sein du Cadre de concertation, un travail d’appui aux juridictions militaires congolaises dans l’investigation et la mise en en accusation des auteurs des crimes graves.
A Noter que c’est depuis le 19/08/2020 que la Cour a pris l’affaire en délibéré et quelle devrait se prononcer très prochainement.
Pour RCN J&D
Marie Noel KABUYA.